CHAPITRE 82 : Le combat de Morgane.

82 : Le combat de Morgane.

Sur le fort, tout le monde guettait la reprise des combats. Tous étaient répartis en petits groupes et parlaient. Tous sauf Morgane, accoudée au rebord du rempart, pensive.

« Tu penses à quoi, Morgane ? s’enquit Prune-Tzali. Ouah, trop beau, ton arc ! Tu l’as eu où ?

‒ Une flèche. Une seule. Pour retrouver mon honneur...

‒ Mmmh ?

‒ Je vais enfin pouvoir rétablir la vérité…

‒ Mais tout le monde la connaît, dans le monde de la Fleur.

‒ Ça ne suffit pas… »

La fée saisit son arc et son unique flèche et s’éloigna.

« On dirait la même matière que celle de mon pic à cheveux, mais en même temps il y a quelque chose d’aquatique dans son arme.

‒ C’est normal, intervint Oléna, cette arme a été fabriquée par les parents de Morgane.

‒ Des humains auraient été capables de façonner une telle matière ?

‒ Peu de gens, très peu de gens connaissent la véritable nature de Morgane. Même dans les légendes qui relatent ses faits et gestes, on la dit humaine… Or il n’en est rien. Son histoire ressemble un peu à la tienne, Prune-Tzali. Elevée par des humains, dans un monde qui n’est pas le sien, avec des règles et des codes si éloignés de ce qu’elle est… »

Oléna créa une flaque, et des images illustrèrent chacun de ses propos.

« Morgane est née dans une grotte au fond des mers, fille d’une mari-morgan et d’un semi-elfe. Lorsqu’elle naquit, ses parents lui conçurent cet arc, sept flèches dont celle-ci est la dernière, et une fleur, dans cette matière si particulière…

Mais alors qu’elle n’avait qu’un an, la tour émergée de la grotte du fond des mers fut attaquée et coupée du reste de l’eau. Ses parents combattirent héroïquement, mais ce fut insuffisant. Ils s’enfuirent à travers la forêt, blessés, la petite Morgane dans les bras. Ils furent rattrapés ; la mari-morgan utilisa ses dernières forces pour permettre au semi-elfe de s’échapper avec leur fille. Ce dernier erra dans les bois, à bout de force, et finit par rencontrer des humains qui n’avaient rien à voir avec ceux qui avaient attaqué la tour. Il leur confia Morgane, s’assit au pied d’un arbre, et s’endormit à jamais.

Les humains avaient déjà deux filles, et accueillirent la petite Morgane, sans se douter de sa véritable nature. Très tôt, elle montra un talent exceptionnel pour la magie. On la qualifia de magicienne, de sorcière, d’enchanteresse… Mais personne ne savait qu’elle était en réalité une fée… Là, les légendes humaines racontent une partie de la vérité. Cependant, elles omettent de mentionner, par ignorance, je pense, un fait primordial : une rencontre dans une forêt avec un mi-Humain, mi-Céruléen qui était à la recherche de la “fée égarée”, dont on parlait dans les demeures et palais sous la mer. Il lui révéla la vérité, mais elle n’y crut pas tout de suite. Alors, il lui remit un paquet, contenant l’arc, les sept flèches et la fleur : seule celle pour qui ces objets avaient été conçus pouvait l’ouvrir. Dès que les doigts de Morgane effleurèrent le paquet, celui-ci disparut et découvrit ses trésors. Alors, Morgane voulut savoir tout ce qui s’était passé : elle suivit l’aventurier au fond des eaux, questionna tout son entourage… Et finit par apprendre le nom de celui qui avait mené l’attaque contre elle et ses parents. L’ironie du sort aura voulu que le nom de ce sinistre individu commençât comme le sien : Morgaéus. Elle commença par se venger des humains qui avaient participé à l’attaque, puis se mit à la recherche de Morgaéus.

Cependant, ce dernier la trouva avant, toujours dans la forêt. Il lui fit croire qu’il allait l’aider, parvint ainsi à l’amadouer, et lui vola sa fleur de roche. S’en suivit un long combat, durant lequel elle lança contre lui six flèches, avant d’être immobilisée, de voir son ennemi prendre son apparence, et d’être envoyée au Fin Fond du Fin Fond de l’Abîme… La suite, tu la connais… »

Le vent disparut, et les combattants reprirent place : Prune-Tzali, Morgane, Oléna et Odlyssa d’un côté, Morgéus, Asavelg, et Ydlossa de l’autre. Cette dernière paraissait chamboulée : était-elle sur le point de changer de camp ? Elle s’avançait vers Prune-Tzali et les autres, le visage certes dur, mais avec dans les yeux une étrange lueur de doute. Odlyssa perçut immédiatement ce doute, et virevolta vers sa soeur.

« Ydlossa, je suis désormais fée protectrice de Svendilka. Je ne puis laisser mon royaume sans personne… Tu es ma soeur, malgré tout ce qui a pu se passer. Sache que rien n’est irréversible ; il est encore temps ! Rejoins-nous, ouvre les yeux… »

Les traits d’Ydlossa s’adoucirent. Elle tendit la main, Odlyssa se posa dessus et souffla de la poussière d’étoile. La fée déchue retrouvait sa beauté, des ailes translucides commençaient à lui pousser dans le dos, un sourire bienveillant s’esquissait, quand soudain elle poussa un cri de surprise et de douleur. Une seringue était plantée dans son cou. Elle tenta de l’ôter, aidée d’Odlyssa, mais rien n’y fit.

« Ydlossa ! Ydlossa ! répétait Odlyssa en virevoltant autour de sa soeur.

‒ Eloigne-toi ! hurla Prune-Tzali. »

La pauvre Ydlossa poussait des râles inquiétants. Les yeux de Prune-Tzali s’étaient posés à toute vitesse sur la seringue, Morgaés et Asavelg qui exultaient, et sur ce qui restait des zombies. Elle avait immédiatement compris.

Les yeux d’Ydlossa étaient désomais révulsés, sa langue pendante, ses ailes en friche, ses bras tendus pour attraper des proies. Odlyssa s’était réfugiée en hauteur et pleurait de la grêle. Oléna et Prune-Tzali s’étaient reculées, attendant le moment opportun pour attaquer. Seule Morgane demeurait immobile, face à Morgaéus, ignorant Ydlossa. Si elle parvenait à transpercer  la fleur de roche qu’arborait son ennemi, sa fleur de roche, elle la récupèrerait et affaiblirait considérablement l’adversaire...

La fée banda son arc

« Une flèche. Une seule. Pour retrouver mon honneur…. »

Morgane tira, la flèche vola en direction de Morgaéus, mais ce dernier eut le temps de placer Ydlossa devant lui. La flèche se ficha dans l’épaule de la fée zombifiée, qui se tourna alors vers Morgane et se précipita sur elle.