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La Fleur d'Ecume

29 novembre 2014

Epilogue

Et voilà... Ce rêve, commencé dans la nuit du 29 au 30 novembre 2005, s'est achevé dans la nuit du 29 au 30 octobre 2014... Etonnante coïncidence de dates, pour un rêve encore plus étonnant.

Commençons par un résumé de cette ultime partie :

Après un épique combat sur l'île de Lymkvlatcha, Prune-Tzali finit par venir à bout de son ennemi Morgaéus l'infâme, et par là même se réalise en tant que Sméruga, l'énergie pure à l'état brut, dématérialisée. Elle peut alors tout, donc se rematérialiser, pour se tourner vers l'avenir en compagnie d'Aurélien.

Ce rêve fait partie des rêves les plus "personnels" que j'ai pu faire ; j'entends par là que c'est un des rêves qui a le plus fait écho à ce que j'ai pu traverser, et qui a soulevé dans mon cerveau de nombreux questionnements.

Dans le prologue, daté du 28 septembre 2006, j'indiquais que j'étais en AS GEA et que j'avais entamé une thèse sur les manuscrits : je vous annonçais aussi un ryhtme de publication d'un chapitre par semaine. Ce prologue reprenait - avec quelques modifications - celui publié sur ETK Onilatki le 25 mars 2006 (https://etkonilatki.wordpress.com/2006/03/25/prune-avant-propos/), dans lequel je faisais état d'un rythme d'un chapitre par jour ! Chacun de ces deux rythmes a dû être revu, compte-tenu de l'avancée de l'intrigue dans le rêve (car si je peux me conditionner pour me plonger au coeur d'un rêve, je ne contrôle ni le contenu de la suite, ni la durée : je n'avançais donc parfois que très peu), et du temps que j'avais à consacrer à la rédaction de ce que j'avais rêvé.

Sur le plan personnel, en neuf ans moins un mois, j'ai changé... Tout comme Prune affronte des dangers et revêt plusieurs apparences pour finalement se réaliser pleinement, ma vie s'est écoulée. J'étais en seconde année de Master d'Arts-Lettres-Langues-Sciences-Humaines au moment où j'ai commencé à rêver et à relater cette aventure (2005-2006). Je ne savais pas très bien que faire après, je me cherchais... J'ai enchaîné sur un DUT GEA en 1 an ; j'avais en effet en tête de commencer une thèse sur les manuscrits, mais les alea de la vie en ont décidé autrement. En effet, une thèse dans le domaine littéraire n'est pas financée : au thésard de se débrouiller seul : premier point négatif. Second point négatif : il faut du temps pour mener à bien un tel projet. Ni l'un ni l'autre en poche, donc... Ensuite a débuté une longue période alternant recherche d'emploi et emploi. Là encore, pendant tout ce temps, je me cherchais, tâtonnant par ci par là. Une seule chose était certaine : j'avais accumulé une grande rage, qui à la fois m'attirait et m'effrayait. Le bouchon devrait sauter un jour ou l'autre, mais avec quelles conséquences ? Je n'ai pu prendre mon indépendance qu'en 2012, après l'obtention du concours de professeur des écoles et mon emménagement dans une autre ville. L'année qui suivit fut marquée par de nombreux éléments : j'ai retrouvé ma silhouette, j'ai osé sortir dans la rue vêtue, coiffée et maquillée de manière originale, j'ai finalement choisi de ne pas poursuivre dans le métier de professeur des écoles car cela ne me convenait pas, et surtout j'ai rencontré Aurélien (oui ! Il existe vraiment !). Tout comme dans le rêve, j'ai pu contrôler mon apparence, j'ai été amenée à faire des choix de première importance, dont celui de construire ma vie avec Aurélien.

Je me pose encore beaucoup de questions sur ce rêve et sur ma vie ; les zones d'ombre demeurent. Et pour commencer : qui est Morgaéus ? Que représente-t-il ? Est-ce la matérialisation de mes doutes, mes peurs, mes craintes, mes angoisses, mes bas sentiments ? Est-ce mon "côté obscur" ? Est-ce le "sac à merde" (désolée pour la trivialité de cette expression) qui s'était accru depuis un temps très reculé pour finalement devenir trop gros et encombrer mon esprit ? En tout cas, j'en suis venue à bout ! J'ai compris depuis peu (depuis ma rencontre avec Aurélien) de nombreuses choses sur moi-même, mon fonctionnement, ma bizarrerie.

Comprendre, mettre un nom sur quelque chose, et enfin avancer. Ce rêve a, à la fois, fait écho à ma vie et permis à celle-ci de se forger. Encore une chose sure : sans le rêve, la vie ne serait rien...

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24 novembre 2014

CHAPITRE 99 Les vagues s’élancent

CHAPITRE 99 Les vagues s’élancent

Euh… Je n’ai pas tout compris, là… se dit Sméruga.

De douces vagues firent rouler Prune-Tzali dans les flots, où elle disparut. Sméruga tenta de comprendre. Venait-elle de faire ce que certains appelaient une sortie de corps ? Vivait-elle une expérience de mort imminente ?  Ou bien était-ce autre chose encore, de plus étrange, de plus personnel et de plus original ? Elle réfléchit : elle était enfin devenue elle-même, Sméruga, l’énergie pure, la force brute ; elle s’était dématérialisée… N’avait-elle ainsi vu que le souvenir de ce qu’elle avait été ?

Des cris retentirent, détournant son attention. Elle aperçut les siens faire prisonniers leurs adversaires et les mener vers un navire qui venait d’accoster. Anne-Irma piquait une crise de nerfs et insultait tout le monde de son agaçante voix.

“Oh, tais-toi !” pensa Sméruga.

Aussitôt, une fermeture-éclair ferma la bouche d’Anne-Irma dans un curieux bruit de zip.

Tout le monde se mit à parler en même temps, et pourtant Sméruga entendit distinctement et comprit chaque parole.

Ils répondront de leurs crimes à Toultsatchouk et partout où ils ont sévi, annonça Iouri.

C’est quoi, ce caillou ? demandèrent Halkos et Nehoset.

C’est un coeur de dragon, répondit Sliéta.

On a ça en nous ?

Oui… C’est ce qui permet de cracher des flammes. Un dragon a généralement deux coeurs. Ce que vous voyez est le coeur minéral, lié aux roches en fusion du coeur de la Terre… C’est tout ce qui reste désormais de cette pourriture de Morgaéus.

Sliéta cracha par-terre.

La fleur de Morgane ! s’écria Aruvah-Tuhra.

Quel combat spectaculaire ! Digne d’une épopée, tu crois ?

C’est impressionnant, la façon dont l’orage a disparut tout d’un coup.

Où est Prune-Tzali ? fit Aurélien.

Les autres se turent.

Où est Prune-Tzali ? répéta Aurélien d’une voix plus forte.

Les visages se crispèrent ; des larmes perlaient dans les yeux, les mentons tremblaient pour les retenir de couler. Personne n’avait vu Prune-Tzali ; toutefois, elle avait gagné, elle aurait dû arriver triomphalement...

Les brumes se dissipèrent au large. Un chant russe, Les vagues froides, s’éleva d’un bateau de Toultsatchouk. Tous restèrent un moment ainsi, les yeux rivés sur la mer. Personne ne voulait accepter la terrible nouvelle… Non, cela ne se pouvait pas...

Cherchez une pierre lumineuse, lança Tamashuk.

Cherchez un médaillon, ajouta Perle-de-Lune.

Vont-il comprendre qu’ils ne trouveront rien ? s’emporta Sméruga. Je ne suis pas morte, je me suis juste dématérialisée !

Bien évidemment, les recherches demeurèrent infructueuses. Certains réclamaient une nouvelle nekuia, pour demander aux ombres s’ils n’avaient pas vu Prune-Tzali arriver dans leur monde.

Et pourquoi pas du spiritisme, tant que vous y êtes ? songea Sméruga. Je ne suis pas passée dans l’autre monde ! Vous allez vous mettre ça dans le crâne, oui ou merde ?

A l’écart, Aurélien bouillonnait. Sméruga se dit que lui seul était capable de comprendre. Elle était certaine que lui aussi avait analysé le combat, avait remarqué ce que les autres n’avaient pas noté… Elle pensa au poème qui avait permis la métamorphose en Tzali ; aussitôt ce poème s’inscrivit dans le sable. Aurélien tenta de lire tout haut les mots écrits en Okéani, ce qui attira les autres.

Qu’est-ce qui est marqué, là ? demanda-t-il.

“Le vent souffle… Les feuilles se rassemblent… Les flammes se rassemblent… Le sol tremble… Les mots s’envolent… Les vagues s’élancent…” C’est le poème de Tzali.

Les yeux d’Aurélien pétillaient. Sméruga percevait le raisonnement du jeune homme.

Vous les avez vues s’élancer, les vagues ? demanda Aurélien.

Hm ? De quoi tu parles ?

Avez-vous vu les vagues s’élancer ? reprit-il.

Sméruga exulta : elle avait eu raison ; Aurélien avait compris.

Le combat s’est déroulé, là, juste sous vos yeux : ne me dites pas que vous n’avez pas remarqué ? Chaque action du combat reprenait un élément du poème. Or les vagues ne se sont pas élancées : ça veut dire que ce n’est pas fini !

Tous le regardèrent avec pitié, comme un petit enfant qui ne veut pas se rendre à l’évidence. Il ne le supporta pas, tourna violemment les talons et s’éloigna vers les rochers entre les portes de Yiyor et d’Adtih. Il s’assit là un moment, bercé par le doux ressac, les yeux dans le vague du large, guettant le moindre petit signe de houle. Il finit par se lever et s’avancer vers la mer. Au même instant, de l’écume se souleva et atterrit sur sa main. Il sursauta, regarda sa paume : l’écume formait le dessin de la Fleur. L’onde se fit plus forte et vient lui chatouiller les pieds. Il recula, puis constata que les vagues se faisaient plus grosses et s’élançaient littéralement sur le rivage.

ça y est, murmura-t-il… Les vagues s’élancent…

Le coeurs battant, il compta les vagues dont l’écume venait bouillonner aux pieds des rochers. Et là, au bout de la quatorzième…

A la vitesse de la lumière, Sméruga plongea dans l’océan. Elle émergea avec la quatorzième vague et sauta sur les rochers, attrapant Aurélien par le cou. Leurs yeux brillaient.

Je le savais ! s’écrièrent-ils tous deux en même temps.

Je savais que tu comprendrais.

Je savais que tu étais vivante.

Et comment ! Je ne me suis jamais sentie aussi vivante, aussi bien, aussi heureuse, aussi pleinement moi !

Ils sourirent, s’embrassèrent, et marchèrent sur le sable main dans la main.

Pendant ce temps, les autres prenaient place sur des navires qui allaient les reconduire à Siudka. Tête basse et yeux humides, ils s’échangeaient leurs impressions sur Prune-Tzali.

Prune-Tzali était courageuse.

Elle osait, au moins !

Elle aurait apprécié le spectacle de cette espèce de comète tout à l’heure.

Et son compagnon ?

Il faudra bien que quelqu’un aille raisonner ce jeune homme ; il ne peut pas rester ici.

Mais qu’est devenue Prune-Tzali ?

Il faudrait demander à la Sage de l’Océan, peut-être qu’elle sait quelque chose…

Elle sait tout. Mais comment faire ?

Prune-Tzali le faisait, elle !

Elle a tenu tête dès le début à son ennemi, jamais elle n’a abandonné !

C’était quelqu’un de fort.

C’était la meilleure !

Bon, vous avez fini de parler de moi au passé, oui ?!

Tous se retournèrent, d’abord surpris mais vite soulagés. Tzali-Sméruga se tenait là, triomphante, une main sur la hanche, serrant de sa main gauche la main droite d’Aurélien. Ses yeux avaient un nouvel éclat, pétillant et indestructible ; ils avaient pris une teinte dorée.

Heureusement qu’Aurélien avait compris ; je me serais retrouvé toute seule comme une con sur cette île !

Tzali-Sméruga fut assaillie de questions.

Où étais-tu passée ?

Pourquoi tu ne te montrais pas ?

Alors, ça fait quoi d’être enfin débarrassée de son ennemi ?

Tu ne vas pas t’ennuyer, après ?

C’est curieux, ce parfum : on dirait un mélange d’iode, de roche à feu, de feuillage, de vent frais… C’est quoi ?

Eh, oh, molsif ! tonna Tzali-Sméruga. On dirait des journalistes à l’affût de la moindre révélation ! Moi, je veux juste savoir un truc : c’est quoi, cette histoire de comète ? Je n’ai absolument rien remarqué.

Une comète, ou un météore, ou une météorite, bref : la mer a commencé à s’agiter, et tout à coup, il y a eu une boule de feu qui s’est précipitée dedans !

Tzali-Sméruga sourit mystérieusement.

Ah, cela ? Alors rassurez-vous, j’ai pleinement profité du phénomène… Mais assez parlé au passé : il est temps de se tourner vers l’avenir, désormais, et de pleinement vivre le présent, maintenant que je suis enfin devenue moi.

 FIN DE LA DIX-NEUVIEME PARTIE...

... FIN

19 novembre 2014

CHAPITRE 98 Les mots s’envolent

CHAPITRE 98 Les mots s’envolent

Prune-Tzali s’était dissimulée sous les flots et avait observé son ennemi : ce dernier avait bondi au moment où le torrent s’était abattu sur lui. Elle émergea sa tête jusqu’aux yeux et scruta les alentours.  Morgaéus se trouvait tout en haut de la grande tour de Lymkvlatcha. Il semblait croire à sa victoire… Prune-Tzali décida de le détromper ; aussi surgit-elle de l’eau et s’envola-t-elle à son tour vers le sommet de la grande tour de Limkvlatcha. La pluie tombait dru.

Tu es certes difficile à vaincre, cria-t-elle par-dessus le vacarme des éléments, mais je sais que je peux gagner et je gagnerai !

Tout cela ne sont que des mots, répliqua Morgaéus.

Mais les mots ont une importance primordiale.

Tu as raison… On peut faire beaucoup de dégâts avec des mots...

C’est la plus puissante des armes. Les mots peuvent galvaniser les foules, et surtout les manipuler…

Les mots peuvent modifier les souvenirs, provoquer des guerres…

Ou changer la face du monde...

Imagine seulement, Prune-Tzali : cet accrochage près de la grange. Et si cela avait été plus grave ? Si cela avait été un accident, qui t’aurait plongée dans le coma depuis tout ce temps ? Si tout cela n’était pas réel ?

Qu’est-ce que tu veux dire ?

Tu te réveillerais sur un lit d’hôpital, avec des tuyaux branchés de partout, à découvrir que tout cela n’était qu’un simple rêve…

C’est n’importe quoi !

C’est vrai… Alors, imagine que l’on t’ait menti : tu n’es finalement qu’une humaine comme les autres, une banale humaine ordinaire, mais qui a cru à des chimères pour rendre sa vie plus belle.

Si c’était le cas, pourquoi m’aurais-tu poursuivie ? Quel intérêt y aurais-tu trouvé ? Je vois ce que tu cherches à faire : tu veux me déstabiliser, me manipuler, mais avec moi ça ne prend pas ! Je ne t’écoute pas ! hurla Prune-Tzali.

Un tourbillon de feuilles, de flammes, de roches, et d’eau arrachée à l’océan se forgea autour de Prune-Tzali, qui grandit, grandit, grandit… Elle voyait très nettement, à travers les toutes récentes déchirures du sol, les six veines de la Terre qui convergeaient vers la Tour de Lymkvlatcha. Des éclairs déchirèrent le ciel noir d’épais nuages, le tonnerre retentit, la mer était entièrement blanche de fumante écume. Morgaéus semblait surpris, voire effrayé.

On peut aussi tuer avec des mots, et enfin être tranquille, déclara Prune-Tzali d’une voix étrange et grave.

Une lumière éblouissante surgie des veines de la Terre se mêla au noir du tourbillon. Prune-Tzali regarda ses mains : des mots y étaient inscrits… Ils se détachèrent de ses doigts, qui se dématérialisaient…

Tu commences à disparaître, dit Morgaéus d’une voix qu’il voulait assurée, mais où un léger tremblement était perceptible.

Non, répondit calmement Prune-Tzali. Je deviens enfin ce que je dois être. Je peux créer ou anéantir. Je deviens moi. Je suis Sméruga !

Les mots s’abattirent sur Morgaéus et le recouvrirent entièrement. L’eau, les roches, les flammes et les feuilles se ruèrent à leur tour sur lui. Très vite, il ne resta plus rien, comme après le passage de fourmis magnans. Seule subsistait une pierre ovale et lumineuse, qui demeura un instant tout au sommet de la tour, avant de tomber lentement tout en bas, de rebondir et de s’échouer sur le sable. L’orage se dissipa, la tempête se calma, un soleil resplendissant se mit à briller dans l’azur du ciel et de la mer.

Sméruga vit les crevasses se refermer petit à petit sur les veines de la Terre. Elle s’intéressa à la pierre lumineuse, s’interrogea sur ce que c’était, puis aperçut non loin de là une fleur qu’elle reconnut pour être celle de Morgane. Ainsi, elle avait enfin vaincu son ennemi… Elle vit les comparses de ce dernier sortir à tour de rôle de leur cachette et chercher en vain leur maître. Elle distingua la maison où ses amis s’étaient réfugiés ; eux aussi se risquaient au dehors et la cherchaient partout. Une vue très nette de l’ensemble de l’île s’offrait à ses yeux : la grande tour de Lymkvlatcha en son centre, les six tours représentant les six pétales, les maisons, les remparts avec ses six portes et ses six échauguettes, les rochers en bas des remparts, le sable, et la mer, recouverte d’une épaisse brume d’où dépassaient des mâts de navires naviguant vers Lymkvlatcha. Les vagues caressaient doucement les rivages de l’île. C’est alors qu’elle découvrit un spectacle aussi terrifiant que celui de son coeur battant dans sa statue à Malditta : sur le sable noir, entre les portes d’Adtih et de Yiyor, gisait Prune-Tzali.

 

14 novembre 2014

CHAPITRE 97 Le sol tremble

CHAPITRE 97 Le sol tremble

Prune-Tzali resta un moment à terre. Elle avait mal partout, sa tête était lourde, et une petite voix insidieuse lui conseillait de renoncer, de s’endormir, de rentrer dans le rang… Cela serait si facile, si confortable… Elle n’aurait plus à penser, plus à se préoccuper… Plus de question à se poser, plus de souci à gérer…

Une autre voix, plus éraillée, plus emportée, plus vive, se fit alors entendre : comment cela, renoncer ? S’endormir et faire taire ses rêves, ses espoirs ? Rentrer dans le rang conformiste et aseptisé de ce Procuste de bas étage ? Choisir la facilité, le confort, et renoncer à être soi ? Ne plus penser… Et Descartes, alors ? “Cogito ergo sum”, c’est pour les aliens ? Plus se préoccuper, plus de question à se poser, et ne plus avoir de cervelle ? Ou en avoir une et ne pas s’en servir ? Les soucis à gérer, évidemment, ce n’est pas ce qu’il y a de plus drôle, ni de plus agréable, mais est-ce une raison valable pour s’empêcher de devenir soi-même et de vivre libre ?

Les embruns et l’odeur de l’iode l’avaient maintenue consciente. Sa main se referma en un poing de révolte sur une poignée de sable noir. Elle ouvrit un oeil, puis le referma. Son ennemi s’approchait.

Il faut que tu saches ce qu’est Lymkvlatcha, dit ce dernier. Pourquoi tout n’est que noir et désolé, ici.

J’ai compris de quoi il s’agissait dès que j’y ai mis les pieds, songea Prune-Tzali. Une bizarrerie géologique, où se côtoient obsidienne et basalte. Tout y est noir car tout y est volcanique.

Il y avait une très puissante et très brillante cité, poursuivit Morgaéus. C’est la même que celle que tu vois, mais il y avait des êtres vivants. A l’époque, je disposais encore de tous mes pouvoirs. Les habitants de Lymkvlatcha se sont opposés à moi… Et je les ai tous anéantis… Comme je vais faire avec toi, et avec tous tes amis.

Prune-Tzali bouillonnait intérieurement, mais elle devait encore laisser Morgaéus s’approcher pour mener à bien sa ruse.

Si tu te voyais ! ricana celui-ci. Je n’aurais pas pensé que ce serait aussi facile de venir à bout de toi.

Le souffle de Morgaéus dans son cou était insupportable. Cela voulait dire qu’il était temps… Prune-Tzali ouvrit les yeux brusquement, jeta au visage de Morgaéus le sable noir qu’elle avait gardé dans ses mains, se releva et rugit. Le sol se mit à trembler, puis s’ouvrit une crevasse. Une puissante lumière s’en échappait, aveuglant les deux combattants. De la lave ? se dit Prune-Tzali. Non, car aucune chaleur ne se dégageait du gouffre. Alors, cela ne signifiait qu’une seule chose : cette lumière devait provenir de ce dont l’ombre de Milenko avait parlé : une veine de la Terre.

Le sable dans les yeux, Morgaéus hurlait de rage. Son apparence changea : six cornes, toutes semblables à celles d’Andodromtsa-Malka-Draconis, lui poussèrent sur la tête, et dans son dos se développa une longue queue telle celle des dinosaures. D’un puissant mouvement de ce nouvel appendice, il sauta sur les remparts.

Prune-Tzali s’aperçut qu’il était proche de la maison où s’étaient réfugiés les siens. Elle frappa le sol du pied, et se retrouva elle aussi sur les remparts. Elle fit face à son ennemi, qui eut un sourire mauvais. Bientôt, deux énormes chiens d’attaque apparurent, puis deux autres. Ils s’avancèrent vers Prune-Tzali, les yeux exorbités, la gueule ouverte, langue pendante et bave sur les côtés.

Pff, fit cette dernière. Tu crois que tu me fais peur avec tes faux clebs ?

Morgaéus ne répondit pas ; les chiens continuaient d’avancer. Prune-Tzali les observa attentivement. Ce n’est que quand ils se tinrent sur leurs pattes arrières, prêts à lui bondir dessus, qu’elle se rendit compte de sa méprise.

Ah merde, c’est des vrais !

Les molosses sautèrent en aboyant ; Prune-Tzali se  mit à courir. Elle arriva à une première échauguette, regarda derrière elle sans s’arrêter. Les chiens étaient toujours à ses trousses. Elle sentit le sol bouger, entendit les chiens faire halte, grogner, aboyer, puis reprendre leur chasse. Une porte, nouveau tremblement de terre. Encore une échauguette, puis une nouvelle porte, puis une autre et encore une autre… Une, deux, trois, quatre... Chaque fois qu’elle franchissait une porte ou une échauguette, un léger séisme se faisait ressentir ; Prune-Tzali se retournait pour vérifier où étaient les chiens. Elle avait mis de la distance entre elle et eux, mais ils étaient toujours là.

Hah, hah, hah, haleta-t-elle, ce n’est pas du jeu, une course de demi-fond voire de fond, alors que moi je suis faite pour le sprint !

Cinquième échauguette, cinquième porte, cinquième séisme, sixième échauguette, sixième porte, sixième séisme. Elle jeta un oeil par-dessus les remparts et comprit.

Morgaéus se tenait dos à elle ; il se retourna, surpris de la voir en un seul morceau. Elle tonna férocement :

Tu t’es trompé. Tu ne les a pas anéantis. Ils sont devenus les porteurs de Lymkvlatcha, les plus puissants cariatides que le monde ait connus. N’as-tu pas senti l’île bouger ?

Les yeux exorbités et injectés de sang, Morgaéus beugla. Prune-Tzali se pinça le nez, fit la grimace et s’éventa :

Beuh… La dernière fois que tu t’es brossé les dents, c’était quand ?

L’orage éclata. Les éclairs zébraient le ciel, la tempête faisait tout virevolter, le tonnerre retentissait presque sans discontinuer. Le sol bougea à nouveau. Il y eut comme un bruit de craquelures, des lumières aveuglantes jaillirent de la Terre. L’eau de pluie s’agglutinait sur les remparts, et très vite formèrent une rivière qui gonfla, enfla, et dévala le chemin de ronde au gré des mouvements de Lymkvlatcha.

 

9 novembre 2014

CHAPITRE 96 Les flammes dansent

CHAPITRE 96 Les flammes dansent

Evidemment, rien de cela ne fit rire Morgaéus, qui gronda, rugit puis mugit en crachant une longue flamme en direction des feuilles, qui se volatilisèrent.

Fini de jouer ! tonna-t-il.

Il leva sa main droite et décrivit un geste complexe, comme s’il voulait dessiner un long lacet. Un léger sifflement retentit depuis la mer déchaînée. Les yeux de Prune-Tzali passaient à toute vitesse de son ennemi aux vagues, où elle aperçut de longues colonnes lumineuses gagner prestement le rivage, puis surgir en sifflant de façon très stridente, pour s’élever haut dans le ciel assombri, avant de foncer droit sur elle.

Des anguilles sifflantes… Les seuls êtres de l’eau évités par tous les autres, les seuls êtres de l’eau ennemis des Céruléens… Les seuls êtres de l’eau appréciés par Morgaéus. Ces anguilles chassaient non pour se nourrir, mais par pur plaisir de tuer. Par leur sifflement strident, elles détruisaient l’appareil auditif de leurs victimes, les rendant ainsi incapables d’effectuer le moindre petit mouvement. Elles n’avaient alors plus qu’à se ruer dessus, les mordre de leurs dents acérées porteuses de bactéries nocives, et repartir satisfaites.

L’ouïe particulièrement développée de Prune-Tzali avait identifié ce son mortel avant même le surgissement des êtres qui le produisaient, et la jeune fille avait rapidement protégé ses oreilles à l’aide de quelques feuilles de papier noir et doré. Aussi, elle put contempler le feu d’artifice des anguilles sifflantes qui se détachaient sur le ciel noir de nuages d’orage, épier leur progression, et contre-attaquer pour se protéger.

De ses mains jaillirent deux sabres aquatiques. Elle ouvrit les bras tout en basculant vers l’arrière, tranchant ainsi la tête des premières anguilles à l’avoir atteinte, puis referma ses bras vers le haut en se rétablissant vers l’avant, venant à bout de la deuxième salve d’anguilles. Cependant, les stridentes assaillantes étaient nombreuses, et Prune-Tzali sentit une douleur vive sur son bras, puis sur sa jambe. Elle tourna sur elle-même pour se débarrasser des anguilles qui l’avaient mordue, les saisit, les étrangla comme Héraklès avait étranglé les deux serpents envoyés par Héra, puis souffla une flamme violette sur ses blessures. Le feu fit reculer les autres anguilles, et donna une idée à Prune-Tzali. Elle se mit à gronder, à rugir, sentit la chaleur remonter de son estomac, et cracha de longues flammes, qui prirent la forme de dragons asiatiques et pourchassèrent les anguilles sifflantes. Ces dernières remontaient vers le haut du ciel et s’apprêtaient à regagner l’eau, mais furent à chaque fois rattrapées.

Morgaéus multipliait les gesticulations : il faisait sortir d’autres anguilles sifflantes, et crachait à son tour des flammes. Ses flammes informes s’en prenaient aux dragons de feu de Prune-Tzali qui engloutissaient les anguilles sifflantes les unes après les autres, dans un gigantesque et terrifiant spectacle pyrotechnique.

Prune-Tzali en profita pour s’approcher subrepticement de son ennemi. Elle sentait une immense force en elle, une force capable de venir enfin à bout de Morgaéus une bonne fois pour toutes.  Les yeux brillants, elle généra de chacun de ses doigts des épées de feu et de glace mêlés. Les dix épées, longues, effilées, plus pointues que des aiguilles, atteignirent bien Morgaéus, mais celui-ci tourna sur lui-même à toute vitesse. Prune-Tzali se retrouva projetée en arrière. Elle poussa un cri de surprise, maintint tout de même sa concentration sur ses épées, à qui elle fit prendre la direction des flammes de son ennemi, eut le temps de voir que toutes les anguilles sifflantes avaient été dévorées par ses dragons, puis d’assister à la volatilisation de tout ce qui était en feu, avant de retomber violemment sur le sol.

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4 novembre 2014

CHAPITRE 95 Les feuilles se rassemblent

CHAPITRE 95 Les feuilles se rassemblent

Prune-Tzali, consciente de n’avoir remporté qu’une victoire mais pas la partie, demeurait sur ses gardes. Morgaéus la considéra un instant sans bouger. Elle aussi restait immobile, les yeux fixés sur son ennemi. Elle eut soudain l’impression bizarre et désagréable qu’on avait fait irruption dans son cerveau pour sonder ses pensées. Elle agita frénétiquement la tête pour chasser l’intrus.

Je vois, susura Morgaéus avec un triomphant sourire cruel.

Sans en dire davantage, il leva ses mains ensanglantées, fit un geste nonchalant, puis croisa les bras d’un air satisfait.

Prune-Tzali fronça les sourcils. Les yeux toujours rivés sur son adversaire, elle réfléchissait sur la signification de ce geste, sur ses implications… Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ?

Un son que Prune-Tzali n’aimait absolument pas résonna d’abord en sourdine, puis de plus en plus fort. Elle tourna la tête vers le lieu d’où il provenait, et découvrit avec horreur tout un essaim de frelons qui fonçait droit sur elle.

Non ! Ce n’est pas possible ! Ici tout n’est que minéral : pas d’être vivant…

Et pourtant… Les frelons l’encerclaient. Elle était comme paralysée, assourdie par leur bourdonnement obsédant. Elle hurla bouche fermée, yeux clos, puis tenta de se ressaisir et de comprendre. L’intrusion dans son cerveau pour détecter une de ses plus grosses peurs, puis ces frelons… Alors que les seuls êtres vivants de Lymkvlatcha se trouvaient dans l’Océan ; elle l’avait su tout de suite. Elle s’efforça d’écouter plus attentivement le bourdonnement. Cela ressemblait davantage au bruissement des feuilles dans la tempête… Elle respira plusieurs fois profondément, puis ouvrit lentement les yeux.

Les frelons étaient bien là, à un mètre d’elle à peine, l’assaillant de tout côté. Cependant, ceux qui étaient en première ligne ne bourdonnaient plus : ils bruissaient. Déglutissant péniblement, Prune-Tzali se força à observer les insectes qui étaient juste en face d’elle. L’un d’eux se rapprocha pour virevolter à quelques centimètres de son visage. Elle eut d’abord un mouvement de recul, puis ricana, en prenant toutefois soin de garder sa bouche fermée. Il s’agissait d’un subtil assemblage de feuilles noires et dorées. Le “frelon” démasqué éclata, les feuilles qui le composaient volèrent. Prune-Tzali rit franchement : elle avait compris.

Tous les autres “frelons” éclatèrent en une pluie de feuilles noires et dorées. Prune-Tzali les rassembla en un geste loin d’être obscène, mais insultant envers son adversaire. Elle pensa ensuite aux dessins animés où l’on peut voir le héros poursuivi par un essaim d’abeilles prenant différentes formes comme une botte, une aiguille, une épée… Se moquer de Morgaéus de la sorte était certes enfantin, mais particulièrement agréable. Elle rigola, puis fit prendre à l’assemblage de feuilles toutes les formes auxquelles elle avait songé : elles bottèrent les fesses de Morgaéus, lui piquèrent le visage, lui portèrent une estocade au postérieur, et, devenues deux grandes mains, le souffletèrent. Prune-Tzali riait aux éclats.

 

30 octobre 2014

CHAPITRE 94 Le vent souffle

DIX-NEUVIEME PARTIE : La ultima

CHAPITRE 94 Le vent souffle

Une légère brise provoquait des vaguelettes et agitait les cheveux de Prune-Tzali. L’odeur de l’iode et des algues noires conférait à cette dernière cette impression de force prodigieuse qu’elle avait toujours ressentie face à l’océan. Ellle était à environ 30 grands pas de Morgaéus et le fixait. Ce dernier ne faisait pas un mouvement. Prune-Tzali ne put s’empêcher de remarquer :

Tu as la bouche pleine de sang : aurais-tu été blessé, ou aurais-tu plutôt imité tes amis zombies ?

Tu es décidément très perspicace… Cependant je n’ai pas savouré n’importe quelle partie du corps… Quelques coeurs encore tout chauds et palpitants associés à un breuvage concocté tout spécialement par Anne-Irma à partir d’un thé de la Japonaise, le tout sous un arc électrique généré par Asavelg… Je n’ai certes pas retrouvé l’intégralité de ma puissance, mais je m’en suis rapproché. Quand je t’aurai tuée, ce sera chose faite.

La brise se fit plus intense. Désormais, la surface de l’eau était agitée de petites vagues à l’écume d’aspect vitreux.

Je ne me laisserai pas tuer si facilement, gronda Prune-Tzali.

Voyons cela sans plus tarder, répliqua Morgaéus.

Le fé leva ses bras comme si c’étaient des ailes, ouvrit la bouche… Un souffle brûlant s’en échappa. Prune-Tzali l’esquiva. Morgaéus souffla une nouvelle fois. Une odeur âcre fit tousser Prune-Tzali, qui ne put échapper à une troisième salve encore plus brûlante. Elle courut vers la mer, et eut juste le temps de plonger entre deux crêtes d’écume blanche pour éviter une quatrième attaque et se rafraîchir.

Elle en profita pour explorer les abords sous-marins de Lymkvlatcha. Tout était noir : des pierres noires, des coraux noirs, des poissons noirs, des algues noires… Qui se détachaient très nettement sur le turquoise de l’Océan. La base de l’île restait obscure et semblait sombrer dans l’abîme de façon conique. Toutefois, parmi tout ce noir, il y avait régulièrement deux pierres blanches brillantes, qui faisaient comme des paires d’yeux. Prune-Tzali en compta douze. Douze yeux qui paraissaient la regarder. Six paires… Comme les six pétales de la Fleur d’Ecume.

Elle refit surface et gagna le rivage sans bruit. La mer avait grossi, les lames déferlaient et l’écume était désormais soufflée par le vent.

Morgaéus fut surpris de revoir Prune-Tzali.

Ce souffle aurait dû te tuer, rugit-il. Tu aurais dû voir ta peau fondre, des cloques se former, tes poils et tes cheveux se consumer, le tout dans une odeur de cochon grillé… Je vois… Tu es beaucoup plus coriace. Seul un souffle aussi brûlant que celui venu de l’âtre de la Terre sera efficace contre toi.

Prune-Tzali sourit. C’était décidément très pratique, un ennemi qui annonçait comment il allait attaquer, bien que le but de ces annonces fût d’épouvanter l’adversaire : cela permettait de trouver la parade adéquate. Contre un vent brûlant, il fallait un vent glacial. Lorsqu’elle avait provoqué le soulèvement des vagues avant de faire émerger Lymkvlatcha, elle avait compris qu’elle était capable de faire appel au vent polaire, et même de le créer.

Morgaéus souffla. Le vent brûlant rendait flou tout ce qui se trouvait sur son passage. Il se dirigeait à toute allure vers Prune-Tzali, qui mima de ses avant-bras le mouvement d’un éventail qui s’ouvre tout-à-coup, les doigts de chaque main écartés. Un vent polaire glacial surgit de ses mains, et figea le vent produit par Morgaéus.

 

25 octobre 2014

Arrêt sur images !

Nous approchons enfin de l'affrontement final...

Récapitulons ce qui vient de se passer : pour contrer les ombres de Morgaéus, Prune-Tzali décide de faire appel aux péris en mer. Elle consulte une dernière fois la Sage de l'Océan, qui lui fait comprendre que la Plateforme des Hauts-Bas ne va pas tarder à s'enfoncer dan sles flots et que l'ultime combat entre Prune-Tzali et Morgaéus aura lieu sur Lymkvlatcha, la Cité Noire Sous les Eaux. Prune-Tzali revient auprès des siens et lance son appel. Les péris en mer surgissent des flots, avec chacun un message pour leurs proches. Prune-Tzali leur ordonne de combattre, et leur dit qu'ils seront écoutés après. Ils viennent rapidement à bout des ombres de Morgaéus, mais ces dernières se rassemblent pour former une ombre monstrueuse et redoutable. Survient alors Milenko, qui remet à Aruvah deux rouleaux (celui des messages des péris en mer et celui des destinataires), pour que le sorcier fasse le nécessaire. Puis il affronte l'ombre monstrueuse et la vainc, avant de remettre à Prune-Tzali une pierre blanche et de s'effacer avec tous les péris en mer. Grâce à cette pierre blanche et à ses bracelets (qui sont, rappelons-le, les fragments éparpillés de la pierre de Lymkvlatcha), Prune-Tzali fait surgir la Cité Noire Sous les Eaux. Elle s'avance vers Morgaéus, prête à en découdre une bonne fois pour toutes...

Voici quelques images de cette partie :

la Sage de l'Océan

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le Kilauea 

Kilauea

20 octobre 2014

CHAPITRE 93 : Lymkvlatcha

CHAPITRE 93 : Lymkvlatcha

Prune-Tzali ouvrit sa main et y découvrit une pierre blanche, très lumineuse. Elle l’effleura de son autre main, et les cailloux qui constituaient son bracelet se mirent à vibrer, à tinter, à s’entrechoquer. Elle referma sa main.

Lymkvlatcha… sussura-t-elle.

Quelle purée de pois, ce brouillard ! s’exclama Shadi.

Prune-Tzali leva la tête. On ne voyait pas les alentours à cinq mètres. Elle agita sa main droite comme si elle tenait un éventail, et un véritable éventail se matérialisa.

Heu ! Je n’avais jamais fait ça avant !

Elle chassa le brouillard autour du radeau grâce à l’éventail. Les autres étaient là : ceux du clan prunesque, eux aussi sur des radeaux, mais également les quelques uns du clan morgaéusien qui restaient, sur des barges et des barques. Morgaéus et Anne-Irma se tenaient sur un trône installé sur la barge centrale et admiraient les vagues d’un air condescendant. La Plateforme des Hauts-Bas avait bel et bien sombré dans les flots.

Prune-Tzali compta les ennemis : ils étaient encore nombreux.

Nous avons l’avantage numérique ! se réjouit Anne-Irma.

Prune-Tzali dévisagea la jeune fille : son visage, son allure, ses gestes… Puis cela fit “tilt”.

Attends un peu… Je te reconnais, toi ! Tu étais geôlière à Toultsatchouk. C’est toi, qui m’a poussée dans la cour.

Oui, j’étais effectivement geôlière dans cette ville à l’époque où elle était à nous. Et je peux dire que je m’y suis particulièrement bien amusée.

Des amusements ? C’est donc ainsi que tu appelles les crimes que tu y a commis ?

Les crimes ! Comme tu y vas ! Je faisais mon travail, c’est tout.

MB, oui ! MBEMC, même ! Tu as toi-même dit que tu t’amusais. Et la liste des témoignages sur ce que tu as fait est longue, très longue.

Et qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ?

Chez moi, pas d’impunité. Après tout cela, tu devras répondre de tes actes devant qui de droit.

Anne-Irma éclata de rire, un rire bête et méchant et particulièrement exaspérant.

Mrrrr, elle m’énerve… Je vais la réxpédier dans l’Ein Sof, celle-là, ça ne va pas tarder ! feula Prune-Tzali.

Laisse-moi plutôt m’en occuper, intervint Aruvah-Tuhra. Toi, tu as autre chose à faire.

L’élève de Morgane contre celle d’Asavelg, sourit Morgaéus. Voyons ce que cela va donner...

Mais personne ne put voir quoi que ce fût. La colère de Prune-Tzali se refléta soudain dans la mer, qui se mit à gronder, à siffler, à produire des crêtes et des creux de plus de trente mètres. Les combattants prunesques s’accrochaient désespérément aux radeaux, qui, ballottés par les vagues déchaînées,  menaçaient à tout moment de chavirer et d’être engloutis par les flots mugissants.

Arrête-ça ! hurlait-on à Prune-Tzali de tout côté.

Mais Prune-Tzali restait immobile, dans sa bulle, fascinée par le phénomène, les yeux fixes et félins, le sourire carnassier. Un sentiment de puissance gigantesque émergeait en elle… Puis elle repensa aux siens. Les Céruléens avaient déjà plongé, il ne restaient plus que des humains terrifiés, dont Aurélien… Emerger. Elle avait senti la puissance émerger en elle, et elle devait faire émerger la Cité Noire sous les Eaux. Ainsi, les radeaux pourraient accoster et ses amis être sauvés…

Alors qu’une vague plus haute que les autres propulsait son radeau très haut, Prune-Tzali brandit ce que lui avait donné Milenko, et mima de son autre main une élévation brusque, tout en proclamant “Lymkvlatcha !”. Sa voix couvrit celle de l’océan. Dans le creux juste en dessous d’elle, l’eau bouillonna, un tourbillon se forma, puis jaillit la pointe noire de la grande tour au centre de la cité oubliée, bientôt suivie de la tour elle-même, des plus hauts monuments de Lymkvlatcha, puis des maisons basses, et enfin le rivage, où s’échouèrent les radeaux. Les amis de Prune-Tzali s’allongeaient sur le sable pour se reposer un peu, tout en discutant.

Eh bah dis donc, quelle aventure !

Le combat, la magie, le naufrage...

Tu crois que les Royal Pwaskaï vont chanter tout ça dans leur prochain concert ?

Aurélien aida Prune-Tzali à se relever. De l’autre camp, on ne voyait que Morgaéus l’infâme. Le regard perçant d’Aurélien remarqua toutefois les soldats ennemis, dissimulés dans une maison. Il en avertit Prune-Tzali.

Allez tous vous abriter dans les maisons alentours, dit cette dernière. Es la ultima… N’intervenez pas.

L’inquiétude se lisait dans les yeux d’Aurélien.

Tu fais attention…

Ne t’en fais pas… Je sais qui je suis, désormais. Je connais mon nom entier, et je suis prête à en découdre une bonne fois pour toutes !

Ils s’embrassèrent, puis, alors qu’Aurélien rejoignait à contre-coeur la maison la plus proche, Prune-Tzali, déterminée, avançait lentement d’une démarche majestueusement ursine sur la plage en direction de son ennemi. Tout en marchant, elle put enfin prononcer son nom complet dans un crescendo étourdissant :

Moi,

Prune-Tzali Maldiz,

Biélouchka Andodromtsa,

Okéanou Malka Draconiste,

Perle-de-Lune Tamashuka,

Daurade-Rose Samoa Fructidora Loléna,

Cérulaïa-Tératouliani-mèn-Anthropouliani-dé Drakovalina-i-Anashka,

Rodiballailahi Storathunderin,

Tzaliami ve Tzaliaga,

Fuhanakova Khloredino Iagudina Admakhthova Slochadino Valodina,

Ovlinnitsa Rezuvmehoduk Tsadka,

Onilatkovalina Etsouchka,

SMERUGA !!!

 

FIN DE LA DIX-HUITIEME PARTIE.

 

10 octobre 2014

CHAPITRE 92 : Un combattant inattendu.

CHAPITRE 92 : Un combattant inattendu.

Repliez-vous ! ordonna Prune-Tzali à “ses” ombres.

Ces dernières obéirent aussitôt. Prune-Tzali prit son apparence Malka Draconis et s’envola vers le monstre, qui tenta évidemment de l’attraper.

Dix yeux… Dix bras… C’est trop, tout ça. Et puis cette bestiole est trop grande, se dit-elle.

Elle agita les neuf serpents de feu qu’étaient ses cheveux dans cette apparence, forma une flamme rouge dans ses quatre mains, et bombarda de chaleur son adversaire. Le résultat escompté ne se fit pas attendre. L’ombre avait rétréci, ne possédait plus que deux bras et deux yeux, et son apparence générale s’approchait d’une silhouette humaine. Prune-Tzali regagna le fort pour se reposer un peu.

Vous pouvez reprendre ! sourit-elle.

Toutefois, les ombres qu’elle avait invoquées restèrent immobiles. Elles hurlaient leurs messages sans discontinuer.

Elles ne reprendront pas le combat avant d’avoir été écoutées, constata Prune-Tzali.

Je vais devoir y aller, dit Aruvah, mais comment les atteindre ? Et comment recueillir tous les messages ? Il y en a des milliers !

Cependant, les hurlements semblaient s’atténuer. Bientôt, le silence se fit, et les ombres s’écartèrent pour laisser passer…

Milenko ! s’étonna Prune-Tzali. Mais… Il n’a pas péri en mer !

Le jeune homme se tenait tête baissé au milieu des ombres. Il releva la tête, puis s’avança vers Prune-Tzali et Aruvah. Il remit à ce dernier deux rouleaux qu’il tenait serrés contre sa poitrine, et murmura :

Voici tous les messages. Le rouleau blanc est celui des ombres, et le rouleau noir est celui des destinataires. Au sorcier désormais de prononcer les mots adéquats.

Aruvah prit les rouleaux et s’éloigna.

Comment cela se fait que tu sois ici ? Je n’ai appelé que les disparus en mer.

La grotte des Gemmes, où je repose, fait partie d’Oluleï. Il y a aux confins d’Oluleï une veine de la Terre, la même qui passe par Volitsa. J’ai entendu l’appel, et je suis venu aussi.

Les yeux noirs de Milenko brillaient intensément quand il ajouta :

Je vais affronter l’ombre unifiée. Pendant ce temps, montez sur les radeaux. La Plateforme des Hauts-Bas sera totalement immergée dans une dizaine de minutes.

Les ombres prunesques avaient repris le combat et terrassaient les ombres morgaéusiennes, qui convergeaient ensuite vers le monstre qu’avait réduit Prune-Tzali, pour continuer de forger “l’ombre unifiée”.

Pendant que Milenko s’élançait pour affronter cette ombre, tous les humains prenaient place sur les radeaux et assistaient au spectacle.

Le monstre balançait ses bras pour tenter de saisir Milenko, mais celui-ci était agile et l’esquivait sans problème.

Quels sont les rapports de force ?

Milenko, 1m82, le monstre, 4m50. Ombre lumineuse d’un côté…

C’est un oxymore, ça !

Oui, en effet. Je disais donc : ombre lumineuse d’un côté, ombre ténébreuse de l’autre.

Et ça c’est un pléonasme !

Laquelle est laquelle ?

ça dépend de l’éclairage… Pour le moment, c’est Milenko dans les ténèbres, peut-être à cause de l’ombre portée du monstre…

Le monstre lança un javelot sur Milenko, qui réussit à l’éviter, à le ramasser et à toucher son adversaire au pied.

Changement de rapports ! Milenko, toujours 1m82, le monstre, 4m.

Beuglant pour terroriser le jeune homme, l’ombre unifiée brandit une masse d’armes. Milenko, touché à l’épaule, cria et vacilla, mais ne chut pas. Il contourna son ennemi et le toucha à l’autre pied avec le javelot.

Changement de rapports ! Milenko, toujours 1m82, le monstre, 3m50.

L’ombre balança une nouvelle fois la masse d’arme et parvint à briser le javelot. Milenko en lança la pointe, qui atteignit le bras armé du son adversaire.

Changement de rapports ! Milenko, toujours 1m82, le monstre, 3m.

Une pluie de flèches s’abattit sur le jeune homme, qui trébucha, sans tomber. Une flèche s’était plantée dans son flanc. Il l’ôta, la lança sur le monstre qui bandait une nouvelle fois son arc pour une nouvelle salve ; son ennemi, touché à l’autre bras, lâcha l’arc.

Changement de rapports ! Milenko, toujours 1m82, le monstre, 2m50.

Milenko bondit pour récupérer l’arc, visa un oeil de l’ombre, où la flèche vient se ficher.

Le monstre ne fait plus que deux mètres ! ça devient jouable…

Milenko avait ramassé une flèche et visait l’autre oeil. En colère, l’ombre se pencha et balança sa tête d’un côté et de l’autre. Il enroula une de ses langues autour de l’arc et le détruisit. Milenko tenta de s’éloigner, mais les deux solides mains de son ennemi se refermèrent sur son cou et le soulevèrent. Le monstre approcha sa gueule du visage du jeune homme. Ses deux langues s’entremêlaient et léchaient ses babines pleines de sang, prêtes pour le festin, mais à cet instant précis, Milenko parvint à enfoncer ses mains dans l’oeil encore valide de son adversaire, qui s’écroula. L’ombre de Milenko devint lumineuse, et celle du monstre disparut.

Milenko se dirigea vers le radeau où se trouvaient Prune-Tzali, Aurélien, Shadi et Aruvah-Tuhra. Il mit quelque chose dans la main de la jeune fille, puis s’effaça, ainsi que toutes les ombres des péris en mer.

 

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